Historique

Au fil du temps

Au début des années soixante-dix, P. Franquin (1971) jetait les bases de l’analyse fréquentielle des précipitations. Franquin et Forest (1978) développaient un modèle de bilan hydrique dont les sorties pouvaient être reprises en termes fréquentiels. Enfin, sous l’impulsion de F. Forest, plusieurs chercheurs du CIRAD ont repris ces modèles et méthodes et les ont enrichis sur le plan théorique et ergonomique. Parmi eux il faut citer J.C. Legoupil, F.N. Reyniers, J. Imbernon, J.P. Fréteaud, B. Lidon, S. Sabadie, qui ont accompagné le développement en langage FORTRAN d’une première famille cohérente de logiciels.

L’ensemble de ces outils a été largement diffusé, et a servi de base à de nombreux travaux de recherche et de développement en zone tropicale, aussi bien en Afrique qu’en Amérique latine. A l’échelle de la parcelle, les principales utilisations ont concerné le diagnostic agronomique ou le pilotage de l’irrigation. A l’échelle régionale, des zonages des potentialités agricoles, des études d’optimisation des dates de semis et des programmes de prévision de rendement ont été réalisés dans de nombreux pays.

L’évolution du matériel et des langages informatiques a permis de développer des logiciels adaptés à des demandes de plus en plus spécialisées et exigeantes. Ainsi, entre 1987 et 1992, F. Forest et F.N. Reyniers ont encadré, au sein de l’Unité de Recherche Gestion de l’Eau, la création d’outils nouveaux :

  • Concernant le bilan hydrique à la parcelle, M. Vaksmann développe le logiciel BIPODE, en partenariat avec la société ICI – SOPRA.
  • Concernant le diagnostic hydrique des cultures, C. Baron développe le logiciel DHC, en coopération avec le centre régional AGRHYMET (Niamey, Niger) dans le cadre du système d’alerte précoce pour les neuf pays du CILSS. Depuis l992 AGRHYMET émet des bulletins mensuels de suivi de la campagne agropastorale en Afrique de l’Ouest intégrant notamment les résultats de DHC.

Ces travaux ont étés poursuivis par d’autres chercheurs, parmi lesquels il faut citer F. Affholder, S. Marlet, B. Muller, P. Perez, B. Rapidel, E. Scopel, M. Vaksman qui ont contribué à diversifier les approches et les algorithmes de calcul. L’ensemble de ces travaux a été synthétisé et documenté par C. Baron, A. Clopes et F. Maraux dans une suite de logiciels SARRA, allant de l’analyse climatique au zonage régional, appliqués à l’analyse des risques agro-climatiques. Cette suite logicielle à été traduite en plusieurs versions : d’abord portugaise et indonésienne puis espagnole et anglaise.

A l’usage, ces logiciels se sont révélés très performants, les choix de paramétrage représentant un compromis judicieux entre une simplicité extrême (conduisant à des représentations trop grossières des phénomènes) et une trop grande complexité (conduisant à une difficulté à réunir les jeux de paramètres nécessaires aux simulations). Au Brésil, en partenariat avec l’Embrapa, SARRA est utilisé depuis 1996, dans le cadre du programme ProAgro de suivi annuel de risques agroclimatique de zonage des semis optimum, initié par E. Assad et suivi par F. Massena de l’Embrapa. Ce programme, suivi par le ministère de l’agriculture (Ministério do Desenvolvimento Agrário – MDA), fait intervenir chaque année 24 instituts de l’Embrapa et centres de recherches des différents états du Brésil.

La nouvelle version SARRA-H, initiée par M. Dingkuhn en 2000, intègre une double approche, efficience de l’eau et efficience de la radiation pour simuler la dynamique de la biomasse en s’appuyant sur des concepts et processus plus physiologiques. Cette nouvelle version suit toujours une approche de modèle simple et peu gourmand en données d’entrée et paramètres. Concernant cette nouvelle version plusieurs chercheurs du Cirad ont contribué à sa conceptualisation parmi lesquels: M. Dingkuhn, C. Baron, B. Muller, M. Vaksmann, J.C. Combres… En parallèle, initiée et développée par C. Baron, une plateforme de développement et de simulations de modèles intégrant une série d’outils et d’interfaces (ECOTROP) : graphiques, requêtes, importation/exportation de données, base de données, analyse de sensibilité… Ce développement a pu se faire grâce à un très important investissement de P. Reitz (du Lirmm) et de V. Bonnal, G. Aguilar, JC. Soulie (Cirad) et de stagiaires… Les différentes versions de SARRA-H sont notamment intégrées dans cette plateforme.

Schéma des différents processus simulés autour du bilan hydrique

SARRA-H et son environnement ont bien évolué au cours de projets permettant d’éprouver le modèle et son utilisation/ergonomie dans un grand nombre de situations et par des utilisateurs provenant de thématiques de recherches et d’applications variées. Ces actions ont permis de calibrer les paramètres de plusieurs variétés sélectionnées et locales (d’origine paysanne) de mil, de sorgho et de maïs. La capacité prédictive du modèle à été vérifiée en un grand nombre de situations (divers essais en milieux contrôlés et des suivis pluri-annuels en milieux paysans). Et bien sur, toutes ces actions ont contribué à améliorer des modules et processus de simulations au travers des résultats de ces études axées notamment sur l’impact de la variabilité et du changement climatiques, les pratiques de semis et les pertes de semences, les protocoles d’irrigation, la simulation de saisons consécutives… Parmi les partenaires on peut citer S. Traore, A. Alhassane, H. Songoti (Agrhymet-Niger), M. Kouressy (IER-Mali), B. Sarr (CERAAS-Sénégal), L.Some (INERA-Burkina Faso), Benjamin Sultan (IRD)… et bien sur des stagiaires et surtout des thésards (que l’on retrouve dans les publications).

Interface de visualisation des résultats : calibration d’un essai Mil dynamique des biomasses aériennes, feuilles et rendement (observés points et simulés lignes)

SARRA-H

SARRA-H est une évolution forte de la suite logiciel SARRA (cf ci-dessous) qui est un bilan hydrique dynamique simple utilisé pour estimer l’impact d’un scénario climatique sur une culture annuelle. Comme SARRA, SARRA-H est plus spécifiquement adapté à l’analyse d’impact du climat sur la croissance des céréales sèches et du rendement potentiel en milieu tropical (Dingkuhn et al. 2003; Baron et al. 2005; Sultan et al. 2005). Le modèle de culture simule le rendement potentiel sous contraintes hydriques en intégrant les processus de bilan hydrique des sols, d’évaporation et de transpiration potentielle et réelle, de phénologie, d’assimilation potentielle et sous contraintes hydriques, de respiration de maintenance et enfin de répartition des biomasses (feuilles, tiges, racines, grains). Ce modèle de culture a montré de bonnes performances dans le cadre d’analyse d’impact du climat pour des céréales tropicales (Mishra et al. 2008; Oettli et al. 2011). Il a été calibré avec une série de variétés locales et modernes (de mil, de sorgho et de maïs) à partir d’essais en milieux contrôlés. Des suivis agronomiques pluriannuels en milieux paysans ont été mis en place sur plusieurs sites contrastés tant par les pratiques agricoles que par le climat (Niger, Sénégal, Mali, Burkina Faso) permettant d’évaluer la qualité prédictive du modèle en milieux paysans (Traoré et al. 2010). Ces essais et suivis ont permis de caractériser différentes variétés et pratiques, de définir les paramètres liés au modèle offrant ainsi une gamme représentative de scénarios de pratiques agricoles. Notamment, ces suivis en milieux paysans ont confirmé la prédominance des cultivars locaux de sorghos et de mils qui se distinguent par une forte sensibilité à la photopériode qui a fait l’objet d’études spécifiques débouchant sur un module intégré au modèle (Kouressy et al. 2008, Dingkuhn et al. 2008).

SARRA-H gère une librairie de formalismes (modules) qui intègrent le principe classique du frein hydrique (bilan hydrique) et le combine avec une croissance potentielle, fonction du rayonnement et de son interception par le couvert (bilan carbone). Il s’agit d’un modèle multiplicatif (ressource hydrique x ressource radiative), complété par un module phénologique (phénologie) pour structurer le cycle de végétation et les processus liés à chaque stade phénologique, par une description simple mais dynamique du couvert (un « big leaf » caractérisé par des coefficients morphologiques et géométriques), et par une élaboration physiologique du rendement (compétition source-puits). Les domaines d’extrapolation de ce modèle couvrent donc les situations limitées par l’eau et/ou par le rayonnement et prenant en compte un état global de fertilité des sols constant tout au long du cycle de la plante.

SARRA-O

Depuis 2014 et les thèses de M. Castets et C. Jahel, le modèle SARRA a connu un portage dans le langage métier Ocelet développé par P. Degenne. Le modèle SARRA est ainsi spatialisé, profitant des possibilités offertes par Ocelet pour un travail multi-échelles.

Aujourd’hui

Aujourd’hui cohabitent SARRA-H et SARRA-O. Alors que SARRA-H profite d’une interface graphique lui permettant de travailler efficacement sur les aspects de calibration des modèles, il est néanmoins limité à la réalisation de simulations ponctuelles. Au contraire, SARRA-O permet de lancer des simulations spatialisées à grande échelle sans effort, à partir de cartes de type de sol, de climatologie, et de pluviométrie.